Jeudi
En montant dans le camping-car ce matin, nous ne savons pas encore quelle sera réellement notre destination. Malbrouck où se tient une exposition sur les dragons ? Stenay et son musée de la bière ?
Finalement, nous optons pour la seconde solution ! Le temps assez maussade se bonifie au fil des kilomètres. Les champs de colza jaune lumineux jalonnent notre route. A partir de Verdun, nous suivons le cours de la Meuse et traversons de petits villages plutôt déserts. A notre arrivée, l’aire de Stenay est déjà bien occupée mais point de barrière avec carte magnétique comme l’indique notre guide tout neuf arrivé dans la semaine. A force de tourner pour trouver l’emplacement idéal comme le chien qui ne sait pas où se coucher, un camping-car s’en va et nous nous installons en bout de parking en bordure de pelouse, le long du port de plaisance. A la lecture des immatriculations, nous comprenons que la Belgique n’est plus très loin.
L’aire ressemble plus à un mini camping. On y trouve même une bibliothèque laissée sous la responsabilité des camping-caristes et plaisanciers.
Petit tour dans Stenay et à l’office du tourisme pour retirer toutes les informations sur la région car notre guide vert ne nous inspire guère ! A l’office qui a le mérite d’être encore ouvert un jour férié en fin d’après-midi, nous croisons un jacquaire. Stenay ferait-il donc partie du célèbre chemin de St Jacques de Compostelle ? A vérifier !
Cette petite bourgade meusienne est bien déserte et beaucoup de maisons sont à vendre. Une ancienne caserne de Vauban a été transformée en immeuble d’habitation. C’est curieux mais très joli. Par ailleurs, Stenay arbore une teinte grisâtre comme tous les villages que nous avons pu traverser aujourd’hui. Ceci est dû essentiellement à la couleur des pierres de construction. Et le soleil qui à nouveau fait défaut n’arrange pas les choses. La place du village est vaste, ponctuée en son milieu par un kiosque à musique. L’ancien moulin à eau a été transformé en maison d’habitation.
Nous repérons le musée de la bière mais il est trop tard pour la visite et nous nous contentons pour ce soir de faire un tour dans le petit jardin à l’arrière. Ici on trouve toutes les plantes qui peuvent entrer dans la composition d’une bière. De la lavande ? Tiens curieux ...
Retour au camping-car sous les premières gouttes et nuit tranquille.
Vendredi haut de page
Il a gouttaillé un peu cette nuit mais pas de pluie au réveil. La boulangerie n’est pas loin pour les petits pains au chocolat puis départ pour le marché.
Le tour est vite fait : une vingtaine de bancs disséminés sur la grande place de la liberté. A la maison de la presse, nous essayons de trouver le guide bleu de la Meuse ... En vain, ils n’ont que celui de Champagne-Ardennes ! C’est vrai que nous n’en sommes pas très loin mais ce n’est pas cette région qui nous intéresse pour l’instant !
Nous filons au musée européen de la bière. Installé dans un ancien bâtiment militaire, construit en 1542 sur l’ordre de François Ier servant de magasin aux vivres puis transformé en malterie de 1879 à 1914, le musée de la bière a été ouvert au public en 1986 et s’étend actuellement sur 1400 m2. Des transformations sont prévues sur une durée de 4 ans à compter de la fin de 2005.
La visite commence par l’historique de ce breuvage dont on trouve déjà des traces en Mésopotamie et en Egypte. Osiris n’est-il pas le dieu de la bière ? Et Astérix ne buvait-il pas de la cervoise tiède ?
La fabrication de la bière commence par la torréfaction de l’orge pour obtenir du malt. Deux autres éléments sont indispensables : l’eau qui doit être pure et de préférence de source et depuis le XIIème siècle, le houblon (uniquement les cônes femelles qui renferment de la lupuline) pour ses vertus désinfectantes et parce qu’il donne l’amertume à la bière. Pour un litre de bière, il faut 5 à 10 litres d’eau, 200 g de malt et 1 à 2 g de houblon.
La transformation de l’orge en malt se fait en plusieurs étapes : l’orge est mise en dormance durant 2 mois afin de la sécher puis on passe à l’étape de la trempe qui consiste à l’humidifier durant 2 jours de manière à ce qu’elle germe. Cette transformation se termine par le touraillage, opération qui consiste à sécher l’orge de manière à éviter que le sucre ne disparaisse. Cette étape dure 8 jours et produit du malt de couleur plus ou moins foncée selon la température de chauffe. Puis on passe au brassage proprement dit.
Au XIXème siècle encore, le brassage se faisait « à la force des bras ». Des ouvriers brasseurs mélangeaient l’eau et le malt à l’aide d’une grande pelle appelée four-quet.
Au XXème siècle le brassage s’automatise avec l’arrivée de la machine à vapeur. Trois cuves étincelantes en cuivre trônent d’ailleurs au 1er étage devant la reconstitution de la brasserie alsacienne de l’Ancre !
L’exposition occupe trois étages du bâtiment et une partie des salles est consacrée à la publicité autour du thème de la bière : sous bocks, verres et bocks, étiquettes, plaques en métal, objets de décoration; ainsi qu’aux métiers associés à sa fabrication : verrier, tonnelier, chimiste. La reconstitution d’un ancien débit de boissons est bien réussie. Nous découvrons avec amusement le premier distributeur de bière créé en 1900 à l’occasion de l’Exposition Universelle de Pa-ris.
Après le repas, nous nous rendons à la citadelle de Montmédy entrevue l’année dernière sur la route vers Charleville. La ville haute, construite à la Renaissance et transformée par Vauban, a conservé ses remparts. En 1914, l’armée française encerclée y fut presque totalement massacrée.
L’entrée de la citadelle est interdite aux véhicules de plus de 2m70 de haut et 2m20 de large. Nous nous arrêtons donc juste avant, sur le parking des gîtes d’étape qui sert aussi de parking aux bus. Après le pont-levis, surmonté des armes de Philippe II, mutilées à la révolution, une seconde porte mène à la cita-delle.
L’entrée à la citadelle englobe également celle aux deux musées logés dans les entrailles du monument : le musée des fortifications et le musée de Jules Bastien-Lepage, peintre meusien du XIXème siècle. Nous ne sommes pas des fanatiques de tels musées mais l’averse qui s’abat sur nous sans prévenir nous incite vivement à faire une entorse à nos habitudes. La visite du musée des fortifications se révèle d’ailleurs intéressante. Les maquettes reconstituent bien l’évolution des ouvrages défensifs des camps romains aux places fortes du XVIIIème siècle. Quelques armes complètent le tout.
Lorsque nous commençons notre promenade sur les remparts, la pluie a cessé mais le ciel est encore chargé et la vue sur Montmédy-le-Bas ainsi que sur la vallée du Chiers est assombrie par de nombreux nuages qui ne cessent d’ailleurs pas de jouer à cache-cache avec le soleil. Par temps clair, on devrait apercevoir du bastion Notre-Dame, la Belgique, distante de 7 km. La statuette de la Vierge des remparts du XVIème siècle est la gardienne de la porte d’entrée. Elle était portée en procession au cours des différents sièges afin d’encourager les soldats à se battre. La citadelle de forme triangulaire est composée de 7 bastions reliés par des courtines. Dans ses murailles, les casemates construites après la guerre de 1870, constituées de grandes pièces sont encore visibles ainsi que deux fours à pain géants.
Après les remparts, nous visitons l’église Saint Martin reconstruite au XVIIIème siècle. Elle est en cours de restauration et il y a encore beaucoup de travaux à réaliser.
Un petit tour dans la ville haute nous révèle une ville plutôt à l’abandon. Seules quelques maisons ont été restaurées, visiblement par des Néerlandais. Les autres sont en train de s’abîmer faute d’entretien. Le restaurant en face de l’église est ouvert à tous les vents ... Quel dommage !
Nous quittons Montmédy sous le soleil et nous dirigeons vers Orval, en Belgique. Nous pensons y passer la nuit avant de visiter l’abbaye cistercienne demain matin. L’idée n’est pas bonne car à Orval, il n’y a pas réellement d’endroit où passer une nuit calme. Le parking est en bordure de la route et pas très plat. Nous rebroussons donc chemin et revenons à Montmédy où nous passons une nuit calme mais pluvieuse.
Samedi haut de page
Réveil dans la brume... et sous les averses qui se succèdent. Après un passage dans la ville basse à la recherche de pain, nous reprenons le chemin de la veille. Il est déjà 11h quand nous arrivons à Orval.
Notre visite débute par une projection audiovisuelle retraçant les grandes lignes de l’histoire de l’abbaye. Rien de bien neuf pour nous qui avons visité très récemment Sénanque, dans le Vaucluse.
L’abbaye fondée en 1070 par des bénédictins venus d’Italie est devenue cistercienne en 1132. Elle connaît au cours des siècles de nombreuses difficultés économiques. Lors de la guerre de 30 ans, elle est pillée et incendiée mais en 1760, la communauté d’Orval retrouve sa vigueur et c’est alors la construction d’Orval II qui sera elle-même incendiée lors de la révolution. C’est en 1926 que la famille de Harenne offre les ruines à l’ordre de Cîteaux et avec la reconstruction d’Orval III, la vie monastique renaît sous la direction d’un moine de la Trappe, Dom Marie-Albert.
C’est en 1931 qu’une brasserie a été installée au sein même de l’abbaye afin d’aider au financement du nouveau monastère. De même, les moines fabriquent depuis 1928 un fromage à pâte pressée, non cuite et à croûte naturelle lavée. Ce fromage a pour ancêtre le fromage mis au point en 1816 par les trappistes de l’Abbaye de Port Salut dans la Mayenne.
La visite est ponctuée de panneaux explicatifs. Nous commençons par l’apothicairerie devant laquelle s’étend un beau jardin de curé. Il commence à pleuvoir et malgré notre équipement, nous sommes obligés de nous réfugier dans le musée où nous découvrons les différentes étapes de la construction d’Orval, ainsi que des pièces de l’église primitive tel des clefs de voûte et des têtes de chapiteau.
A notre sortie, le soleil est revenu et nous réchauffe un peu car il ne faisait pas très chaud dans le musée situé dans les caves d’Orval III.
Nous reprenons donc notre visite par les ruines de l’abbaye détruite sous la révolution. Si de l’abbaye primitive, il ne reste plus que des traces aux sols, pour Orval II, il est encore possible de s’imaginer une abbaye cistercienne. Autour du cloître, à ciel ouvert, se répartissent les pièces habituelles dont la salle du chapitre avec ses trois ouvertures. Tiens ici point de gradins comme à Sénanque ! Les moines devaient avoir des bancs en bois. Au dessus, le dortoir se devine grâce à quelques pans de mur. Nous découvrons une toute petite pièce que nous n’avions jamais vue ailleurs : l’armarium qui servait à ranger les livres que les moines lisaient dans le cloître.
Il reste encore une partie des murs extérieurs de l’église abbatiale.
C’est fort tard que nous ressortons de l’abbaye et décidons de déjeuner à l’auberge de l’Ange Gardien, histoire de goûter les spécialités locales et de nous imprégner de l’ambiance belge. Les plats servis sont copieux et appétissants. Gabriel apprécie la bière locale caractérisée par son goût amer dû à la dose importante ajoutée de houblon. La production de bouteilles de bière à Orval est de l’ordre de 20.000 bouteilles en forme de quille de 33 cl par heure. Elle titre quand même 6,2% !
Et malgré l’heure tardive, la plupart des tables sont encore occupées.
Il pleut à nouveau lorsque nous quittons la Belgique.
Nous nous arrêtons à Notre Dame d’Avioth, la basilique des champs. Nous l’avions déjà repérée à l’aller. Au XIIème siècle, une statue miraculeuse de la Vierge est à l’origine de sa construction d’une chapelle primitive. Au cours des siècles, pour accueillir la foule de pèlerins, il a fallu l’agrandir. Ce n’est qu’en 1993 que J.Paul II a consacré l’église en basilique mineure.
Notre regard est attiré par les nombreuses et grandes gargouilles qui ornent les fa-çades des toits.
A l’extérieur, une construction de style flamboyant bien curieuse et unique en France dont un moulage est visible à Paris, au musée des monuments historiques : la Recevresse qui servait à recevoir les offrandes des pèlerins qui n’entraient pas à l’église.
Nous nous arrêtons à Dugny, à une dizaine de kilomètres de Verdun, à la recherche de l’église romane fortifiée. Massive, carrée, elle s’aperçoit de loin. Elle se situe tout au bout du village en bordure des champs. Une église plus récente la remplace au cœur du village. Malheureusement, elle est fermée.
L'église de la Nativité de la Sainte Vierge a été bâtie au XIIème siècle. Son clocher est chapeauté d’un hourd encore en bon état, système défensif qui permettait de tirer verticalement sur l’ennemi à travers des orifices pratiqués dans le sol du hourd. Refermées après les tirs, ces trappes mettaient à l’abri les tireurs.
Ce bâtiment n'a pas d'histoire ; simple église paroissiale, elle a été classée en 1908 aux monuments historiques de manière à éviter sa dégradation. Depuis la guerre, les Beaux-Arts ont entrepris sa restauration.
Nous terminons la journée sur une aire privée à Blercourt pas très loin de là. Nous sommes à côté d’un espace funéraire …. Pas folichon même si les emplacements sont corrects et dotés du courant ! Brrrrrrrrrrr, tant qu’à faire, je préfère stationner à côté des cimetières !
Dimanche haut de page
Nous évitons Verdun car il y a trop de choses à voir. Il faudra revenir. Nous arrêtons au fort de Douaumont. Il fait gris, le ciel est à l’image de l’édifice que nous allons visiter.
Construit en 1885 sur le point culminant des côtes de Meuse, le Fort de Douaumont est le plus grand fort de la région de Verdun en 1914. Il peut alors accueillir jusqu’à 635 hommes dans le casernement équipé de deux citernes d’eau, d’une boulangerie, de cuisines, d’une infirmerie et servant également de dépôt de munitions. C’est la seule forteresse à pouvoir résister aux obus de 400 millimètres grâce à des murs de 2,50 mètres d’épaisseur et un long réseau de galeries souterraines qui permettent de se déplacer d’un côté à l’autre de la citadelle. Les murs, recouverts de vert de gris, suintent l’humidité. Tous les objets en fer sont rouillés. Et pourtant les soldats devaient être ici bien mieux que dehors dans les tranchées, à l’abri direct des intempéries et jouissant de certains éléments de confort comme les toilettes, les douches…. A l’endroit où une explosion a eu lieu, ensevelissant des soldats allemands, une chapelle a été érigée. Sur les murs l’on retrouve des graffitis, témoins de l’ennui des soldats en attente pendant de longues heures.
A l’extérieur, peu de choses visibles si ce ne sont les tourelles qui émergent des collines à présent aseptisée, engazonnées et des meurtrières.
Avec la grisaille de ce jour, l’endroit est lugubre à souhait !
Notre prochaine étape s’arrête à l’Ossuaire, une énorme nécropole en béton armé. Le monument fut créé après la bataille de Verdun sur l’initiative de Pétain. L’édifice se compose d’une haute tour en forme d’obus de 46 mètres sur un cloître long de 137 mètres. En faisant le tour du bâtiment, on peut apercevoir à travers de petites vitres, les ossements des milliers de soldats qui ont perdu la vie ici et dont on ignore le nom et la nationalité. Dans le cloître, les 46 tombeaux contiennent les ossements de quelques soldats. Les autres, près de 130.000 soldats inconnus français et allemands reposent dans des cuves. Du sol au plafond, sont gravés les noms, les dates de naissance et de décès des 16 142 soldats qui ont été identifiés. La lumière du jour filtrée par des carreaux rougeâtres crée une ambiance chaude et intimiste. De chaque coté de cette immense allée, se trouvent deux absides où les familles peuvent se recueillir. Nous gravissons la haute tour de 46 mètres. Au premier étage se trouve le musée de guerre qui comporte des reliques des villages détruits, des vues en relief du champ de bataille, ainsi que de nombreuses armes. Au sommet, nous arrivons dans la salle du bourdon, énorme cloche qui résonne aux cérémonies importantes et le phare, lanterne des morts, qui rayonne sur le champ de bataille. La vue s’étend sur l’immense cimetière militaire qui abrite les 16.142 tombes de soldats identifiés. Les croix sont de couleurs différentes : blanches pour les vainqueurs, noires pour les vaincus. De même leur forme change selon leur religion. Mais chaque tombe, sans distinction est fleurie d’un petit rosier.
En prenant les tombes des musulmans dirigées vers l’est en photos, celui-ci tombe en panne ! Rageant ! Cette fois-ci, pas question de courir chez le photographe comme à Seumur en Auxois ! Heureusement que Gabriel a son appareil numérique ! Moi qui ne jure que par l’argentique, me voilà bien contente d’avoir cette solution de rechange. Mais cela commence à bien faire ; cela fait la troisième panne en deux ans.
Nous poursuivons notre route vers le village détruit de Douaumont. Les usoirs d’une cinquantaine de maisons sont matérialisés au sol par du pavage. Une des fontaines de la Grande Rue et l'emplacement de la Mairie ont été symbolisés par un monolithe en pierre à leur emplacement original.
A la fin du XVIIIème le village vivait essentiellement de l’agriculture et de l’élevage. C’est en 1885, avec la construction du fort, que le calme de ses habitants est troublé. Les ouvriers du fort viennent s’installer au village et la population passe de 192 habitants en 1884 à 576, deux ans plus tard. Ce sont des ouvriers maçons et terrassiers, d’origine italienne. Au moment de la guerre, le village a été violemment bombardé (1916). Les habitants fuient et laissent tous leurs biens derrière eux. A leur retour, il ne subsiste qu’un champ de ruines ! Le seul bâtiment qui a été construit sur les lieux depuis est la chapelle, érigée à l’emplacement de l’ancienne église.
De nos jours, il y a encore 10 habitants sur le territoire de la commune et comme pour tous les autres villages un maire élu chargé de veiller sur la conservation des lieux.
Après cette visite, un dernier arrêt à Woël pour voir la petite église construite au XIIème siècle. La tour clocher est fortifiée tandis que le porche d’entrée a été reconstruit dans un style gothique flamboyant.
Il faut songer à reprendre la route du retour car demain nous travaillons.
Nous effectuons un dernier arrêt au bord du canal de l’est pour dîner. Le week-end est terminé.
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