Mont Sainte-Odile
Le Mont Sainte-Odile, haut lieu de pèlerinage en Alsace, a célébré cette année les 1300 ans de la mort de la sainte fixée au 13 décembre 720. Un Jubilé du 13 décembre 2020 au 13 décembre 2021 lui a rendu hommage. La durée a été fixée exceptionnellement à une année entière afin que les fidèles puissent en profiter malgré la pandémie.
L'histoire du Mont Sainte-Odile commence bien avant notre ère. Station d’altitude au Néolithique, refuge à l'âge de bronze, le choix du lieu répondait avant tout à un besoin de sécurité. Il est d'ailleurs entouré d'un mur appelé « mur des païens » pour lequel on n'a toujours pas trouvé d’explication. 
 
C'est au VIIème siècle que le duc Etichon Aldaric, père d’Odile, construit son château de Hohenbourg sur un ancien castrum romain. Sa fille y fonde un monastère entre 680 et 690 ainsi que l'abbaye voisine de Niedermunster qui abrite alors un hospice pour les malades. 
Le couvent est la proie d'un important incendie qui ravage l'église en 1045. Le bâtiment est reconstruit et consacré par Léon IX, le pape alsacien, en 1050. Suivront d'autres incendies et d'autres reconstructions. 
 
Le culte de Sainte-Odile est réglementé depuis 1050 par une bulle du pape Léon IX. Durant le Moyen-Age déjà, les pèlerins sont nombreux à gravir les flancs de la montagne. On y voit même Charlemagne, Louis Le Débonnaire, Richard Coeur de lion...  
  
Au XVIIème siècle, dans l'Alsace devenue française après le traité de Westphalie en 1648, Hohenbourg renaît de ses cendres grâce à une congrégation de prémontrés qui développe le culte de Sainte-Odile. Les bâtiments conventuels sont agrandis et embellis, le pèlerinage continue à se développer jusqu'à la Révolution où les biens deviennent nationaux comme partout ailleurs. 
  
En 1853, l'évêché de Strasbourg acquiert définitivement le monastère par souscription et le 6 juin 1946, Sainte-Odile est officiellement consacrée "patronne de l'Alsace" par le pape Pie XII. 
   
Entrons à présent ! 
  
L'entrée au monastère se fait uniquement par un passage voûté qui perce le bâtiment Saint-Léon construit de 1734 à 1738 et qui a servi d'hôtellerie aux pèlerins. Il a été surélevé d'un étage en 1899.
Au-dessus du portail, la statue de Sainte-Odile est ornée d'un bandeau sculpté portant la phrase en latin ''Hic Sta Floruit Odilia praesul et semper regnat alsatiae mater'' qui pourrait se traduire par "Ici brilla jadis et règne toujours la sainte Abbesse Odile, mère de l'Alsace".
Une fois passés le portail, nous nous trouvons dans la cour des pèlerins où nous accueille une stèle, avec un médaillon en bronze dû à Gérard Ambrosselli (1906-2000), en hommage au Pape Jean-Paul II, qui le 11 octobre 1988 est venu se recueillir devant le tombeau de Sainte-Odile.
Au sol, en pavés et marbre, le blason de Hohenbourg. Il est récent puisqu’il a été créé en 1930. Se croisent une croix patriarcale et la crosse de l'évêque. Au-dessus de l'abbaye, un œil, faisait référence à la cécité d’Odile.
On retrouve ce blason au-dessus d'une porte du pavillon d'honneur qui bien que construit au XXème siècle s'inspire largement d'une architecture classique du XVIIème siècle.
Sur la gauche s'étend le grand bâtiment Sainte-Eugénie qui sert d’hôtellerie actuellement.
Et à droite, l'église conventuelle, Notre-Dame de l'Assomption, aux contreforts massifs de la fin du XVIIème siècle, que nous visiterons un peu plus tard.
Juste à côté, on accède à la cour du cloître dominé par une statue de Sainte-Odile. Espace de paix et de silence, c'est l'endroit où il y a le moins de monde.
Mais découvrons tout d'abord l'esplanade puis prenons le chemin de ronde qui contourne l'église et rejoignons la grande terrasse orientée vers le Levant et longtemps occupée par le jardin potager du couvent.
Vasque du XIIème siècle
L'ancien couvent de Sainte-Odile culmine au-dessus de la plaine à 753 mètres d'altitude. Quelle que soit la saison, la vue y est souvent très belle.
C’est dans ce vallon se cache l'abbaye de Niedermunster que nous n’avons pas encore été découvrir.
Au loin, la ligne de la Forêt Noire.
Une statue en grès des Vosges de Sainte-Odile bénissant l'Alsace, d'environ 4 mètres de haut, réalisée par le sculpteur colmarien Alfred Klem a été érigée en 1923/24 sur une tourelle dominant le monastère.  
Sainte-Odile en robe d'abbesse, porte la crosse et le livre de la Règle sur lequel sont disposés deux yeux.
Le belvédère arboré de la grande cour accueille un beau gnomon improprement appelé cadran solaire du XVIIIème siècle puisqu'en réalité, il en comporte 24 indiquant l'heure pour diverses régions dans le monde. Il donne non seulement l’heure solaire vraie du lieu mais également les heures babyloniennes, italiques, antiques, ainsi que les heures solaires vraies de différents endroits du globe.  
Si les heures qu'on peut lire sur un cadran solaire vous intéressent, c'est ici.  
http://michel.lalos.free.fr/cadrans_solaires/doc_cadrans/theorie_cs/heure_bab_it.html 
Il provient de l’ancienne abbaye cistercienne de Neubourg, près de Haguenau où il a été conservé jusqu'à la Révolution. La base est plus récente ; elle date de 1935 et porte entre autre le blason de Monseigneur Charles Ruch. Sur la boule, quoique très érodée, on distingue le nom des différents vents.
Deux chapelles s'élèvent sur le belvédère.
La Chapelle des Larmes, la plus grande des deux, est construite à l'emplacement de l'ancien cimetière du Moyen-Age. De style roman, ses fondations dateraient du XIIème siècle mais elle est fortement délabrée lors du rachat par l’évêché de Strasbourg en 1853 et nécessite une totale reconstruction en style néo-roman par le vicaire Schir (1794-1864) deux ans plus tard. La chapelle telle qu'elle nous apparaît maintenant est le résultat de nouvelles transformations par Robert Danis en 1932 et 1934. Il crée entre autre la toiture à quatre pans.
On dégage aussi à ce moment-là un mètre d'épaisseur de terre découvrant ainsi des tombes creusées dans le rocher qu'on estime provenir de la période mérovingienne.
Depuis 1946, s'élève une croix contenant le cœur de Mgr Ruch (1873 -1945), évêque de Strasbourg de 1919 à sa mort. Son corps repose dans la crypte de la cathédrale de Strasbourg.
Son blason surmonte la porte d'accès à la tourelle portant la statue de Sainte-Odile et figure aussi sur le gnomon comme nous avons pu le voir sur l’une des photos précédentes.
Lorsqu'on pénètre dans la chapelle, on est surpris par un foisonnement de mosaïques dorées dans une chapelle d'origine romane. Le merveilleux décor a été réalisé en 1935/36 par les céramistes Alphonse Gentil (1872-1933) et François-Eugène Bourdet (1874-1952). Ils sont aussi à l'origine des décorations de la chapelle voisine.  
Selon la légende, c'est ici que Sainte-Odile est venue prier et verser des larmes pour son père défunt, retenu au purgatoire. Au-dessus d'elle, la main de Dieu l’exauce.
Juste en face, Léon IX, le pape alsacien, et Eugénie, nièce d’Odile et seconde abbesse du couvent d’Hohenbourg.
Sur le mur est de la chapelle, on trouve, en pied, les figures protecteurs de l’Alsace, Saint-Arbogast et Saint-Florent, Saint-Amand et Saint-Materne.
De chaque côté de la baie géminée et leur faisant face, Sainte-Attale, une autre nièce d’Odile devant Relinde et Sainte-Richarde, impératrice, fondatrice du couvent d’Andlau accompagnée par Herrade de Landsberg.
Dans la voûte, le Christ, grand prêtre, portant couronne et mitre, est entouré de dix personnages représentant les vertus chrétiennes et formant une magnifique rosace. Les céramistes ont reproduit ici l'une des aquarelles de l'Hortus Deliciarum.
Sur les autres murs, on peut relever divers symboles chrétiens : la croix, l’ange, le lion de Marc, l’aigle de Jean, le paon …
La seconde chapelle, appelée également chapelle pendante à cause de sa position sur un rocher en saillie, a été construite au XIème siècle à l'emplacement où s’élevait, au temps des Romains, une tour de surveillance. Au Moyen-Age, les jeunes filles devaient en effectuer le tour sur une passerelle étroite neuf fois de suite en récitant le chapelet pour se marier dans l'année. Ce passage est à présent fermé par une grille.
D'abord dédiée à St-Michel, elle prend ensuite le nom de chapelle des Anges. Elle a été restaurée au XIIème siècle. 
Une frise lombarde court sous la corniche du toit avec l'inscription suivante : « haeC ang.ConceC. aeDes eX Labore sIX fatrVM renoVata ». Il s'agit d'un chronogramme (inscription latine en prose ou vers dont la somme des lettres correspond à des chiffres romains qui indiquent la date d'un événement). Ici il faut lire 1881, date de la rénovation grâce au travail de six frères. Au-dessus de la porte d’entrée, en partie martelé, le blason de l’archiduc Léopold d’Autriche. Le chronogramme désigne 1617, l’année de sa rénovation
Non illuminée lors de mon passage (il aurait fallu mettre une piécette dans le minuteur …. mais ma modeste fortune était en balade du côté du chemin de croix !), il a été assez difficile de photographier les magnifiques mosaïques. L'idée de l'artiste était de représenter le rôle des anges dans la question du salut.
Les anges annoncent la naissance du Christ.
Au moment de son Ascension, les anges apparaissent aux apôtres pour leur dire que Jésus reviendra à la fin des temps.
Saint-Michel combattant le dragon soutient les hommes dans la lutte contre Satan
Sur le mur du fond, percé de trois fenêtres (Trinité), le nom de neuf chœurs des anges s'inscrit. Les symboles de la Trinité : Dieu le Père, le Fils et le Saint-Esprit. De chaque côté de la scène des anges aux épées flamboyantes, gardiens du paradis et en bas le globe terrestre sur lequel est plantée la croix.
A noter qu'en décembre 2021, les chapelles étaient fermées à cause de problèmes de chutes de pierres. 
  
Quittons à présent l'esplanade pour entrer dans l'église abbatiale, rebâtie après la Guerre de 30 Ans et érigée en basilique mineure le 16 juin 2006 par le Pape Benoît XVI. Elle est classée aux Monuments Historiques en 1840 puis à nouveau en 1997. 
  
La disposition de la basilique est de type église-halle, avec une triple nef et un chevet rectangulaire plat, orienté vers l'est. 
La partie basse des murs de la nef jusqu'au bas des fenêtres semble être en appareil roman du XIIème siècle. Au-dessus, les cinq grandes fenêtres gothiques sont du XVème ou de la restauration par les prémontrés au XVIIème.
Dans le chœur, le maître-autel est constitué d’un superbe ensemble du XVIIIème siècle en bois sculpté, avec une Vierge à l'Enfant, patronne de la basilique. Les vitraux du chœur représentant Saint-Léon IX et Saint-Louis ont été remaniés vers 1945/46.  
Il y a en permanence une présence humaine. Ce sont les adorateurs qui depuis 1931 se relaient pour prier 24h/24 et 365 jours/365.
Vitraux de la nef des Frères Ott de Strasbourg.
Statue de Sainte-Odile réalisée en 1892 par le sculpteur colmarien Théophile Klem (1849-1923).
Panneaux du Chemin de Croix réalisés en marqueterie en 1933/34 par Charles Spindler. 
V : Simon de Cyrène aide Jésus à porter sa croix ;  
XII : Jésus meurt sur la croix ;  
XIII : Jésus est détaché de la croix ;  
XIV : Jésus est mis au tombeau ;
L'église est reliée à la chapelle de la croix voisine par une porte ouverte dans le collatéral nord.
La chapelle de la Croix vraisemblablement construite entre 1150 et 1176 sous la direction de l'abbesse Relinde, est l'un des plus beaux témoignages romans du Mont Sainte-Odile.
Elle servait de salle capitulaire et elle est divisée en quatre travées par quatre arcs doubleaux en plein cintre, disposés en croix.
La colonne centrale est un exemple de sculpture romane de la seconde moitié du XIème siècle. Son chapiteau est orné de cordons de palmettes et représente aux quatre angles des visages humains reliés par des enroulements de rinceaux. Mais ce qui caractérise cette colonne ce sont les quatre paires de mains à sa base qui ont été interprétées par certains comme celles d’Atlantes.
Placé contre le mur, le sarcophage d'Etichon. A l'origine, les tombeaux des parents d’Odile étaient murés dans la paroi de la chapelle des anges.
Pénétrons à présent dans la chapelle, initialement appelée chapelle Saint-Jean-Baptiste, qui abrite le tombeau de Sainte-Odile du XVIIIème siècle, sculpté par François Alexis Fransin. 
La porte qui sépare les deux chapelles porte un décor de branches décorées de palmettes filiformes sortant d'un vase.
Jusqu’en 1937, le tombeau était surmonté des statues de la sainte et d'un ange en grès doré, argenté et peint, placés actuellement dans la galerie du cloître.
Il renferme le sarcophage du VIIIème siècle, ainsi que les ossements de la Sainte Fondatrice, visible à travers les trois ouvertures closes de ferronneries. Il a été grandement modifié en 1937.
Des reliques de Saint-Jean-Paul II ont été placées dans la chapelle rappelant son passage au Mont Sainte-Odile lors de son voyage en Alsace en 1988.
Nous poursuivons à travers les galeries du cloître. Les murs sont ornés de reproductions de l'hortus deliciarum, une encyclopédie illustrée de 324 pages, réalisée entre 1159 et 1175 par Herrade de Landsberg et ses moniales au couvent de Hohenbourg, dont l'original a été détruit pendant l'incendie de la bibliothèque de Strasbourg lors du bombardement de la ville le 24 août 1870.
La fondation du monastère de Hohenbourg par Odile
Vitrail qui présente un médaillon avec un ostensoir et deux fleurs de lys, emblème des prémontrés.
Une lourde porte en métal et verre (1935) donne accès à l'escalier d'honneur.
Une remarquable stèle du XIIème siècle est placée près de la porterie et sculptée sur ses trois faces.  
L'une des faces représente le duc Etichon remettant la charte de donation de l'abbaye à sa fille Sainte-Odile. La seconde montre une Vierge à l'enfant, avec de longues nattes torsadées et à ses pieds les abbesses Relinde et Herrade tenant la charte de propriété du couvent. Sur la tranche, figure Saint-Léger, évêque d’Autin et considéré comme l’oncle de la maman d’Odile. 
Lors de la Révolution, la stèle fut martelée, plus particulièrement les têtes couronnées.
scènes de la Bible
Vie et mort de Sainte-Odile, reproduction d'une tapisserie du XVème siècle. L'original est conservé au musée de l’œuvre Notre-Dame de Strasbourg.
Lorsque nous quittons le Mont Sainte-Odile, la nuit tombe déjà.
Il est trop tard pour suivre le chemin de croix en céramique polychrome qui orne les parois rocheuses au pied du plateau qui porte le couvent. Il a été réalisé de 1933 à 1935 par un céramiste de Soufflenheim, Léon Elchinger (1871-1942), père de Léon-Arthur Elchinger (1908-1998), évêque de Strasbourg de 1967 à 1984. Nous y revenons néanmoins un autre jour.
Station I : Jésus est condamné à être crucifié ; 
Station II : Jésus est chargé de sa croix ; 
Station III : Jésus tombe pour la première fois sous le poids de la croix ; 
Station IV : Jésus rencontre sa mère ;
Station V : Simon de Cyrène aide Jésus à porter la croix ; 
Station VI : Sainte Véronique essuie le visage de Jésus ; 
Station VII : Jésus tombe pour la deuxième fois ; 
Station VIII : Jésus rencontre les femmes de Jérusalem qui pleurent ;
Station IX : Jésus tombe pour la troisième fois ; 
Station X : Jésus est dépouillé de ses vêtements et abreuvé de fiel ; 
Station XI : Jésus est cloué sur la croix ; 
Station XII : Jésus meurt sur la croix ;
Station XIII : Jésus est détaché de la croix et son corps est remis à sa mère  
Station XIV : Le corps de Jésus est mis au tombeau par Joseph d'Arimathie et Nicodème.
Un sentier mène à la source miraculeuse.
La légende veut que Sainte-Odile ait fait jaillir cette source en frappant le rocher de son bâton pour réconforter un homme épuisé par la fatigue et la soif. L'eau est réputée guérir les maladies de yeux mais n'a pas été reconnue par l’église comme miraculeuse. Elle sert surtout aux habitants des environs venant faire le plein de leurs bouteilles.
Légende de Sainte-Odile 
  
Au VIIe siècle, le duc mérovingien Etichon règne sur l'Alsace, sa femme, Bereswinde lui donne un fille premier-né, aveugle. Rejetée par son père, la fillette est élevée au couvent de Palme où elle reçoit le baptême. Au moment où l'huile sainte touche les yeux de l'enfant, celle-ci retrouve la vue et elle reçoit le nom d'Odile, qui signifie « fille de la lumière ». Son père essaie de la marier de force mais Odile résiste et elle est obligée de fuir une seconde fois. 
Odile revient en Alsace, elle reçoit de son père le Hohenbourg où elle y érige un monastère qui devient très florissant. 
La renommée des miracles qu'elle accomplissait se répandit au loin et les pèlerins affluèrent.

Article rédigé à l'aide d'informations lues sur le net  
+ https://www.clubvosgien-amis-mont-sainte-odile.com/ 
+ Le Minor Jean-Marie, Troestler Alphonse, Découvrir et comprendre le Mont Sainte-Odile, I.D. L’Édition, Bernardswiller, 2015. 
+  Francis Mantz, Le mont Sainte-Odile, haut lieu de la chrétienté, Ed. Kaléidoscope d’Alsace, La Nuée Bleue
Photos prises les 23/09/14, 01/11/15, 17/12/21 et 31/12/21

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