Altorf Septembre 2014 / Février 2021
Les belles journées d’arrière-saison incitent à la promenade. Aujourd’hui, nous décidons de profiter du soleil en suivant le circuit-découverte du patrimoine historique d’Altorf. Voilà ce que j’écrivais en septembre 2014.  
 
Depuis nous y sommes retournés en février 2021. 
 
Le reportage est donc constitué d’un mélange des deux séries de photos. 

Altorf est situé sur l’ancienne voie romaine reliant Strasbourg au Donon, tout près de Molsheim.  
 
Un peu d’histoire avant de commencer…. 
 
En 940, le comte Eberhard fonde un couvent de moines bénédictins. À sa mort, son fils, Hugues III, comte d’Eguisheim fait construire l’abbaye. Le pape alsacien Léon IX consacre l’autel en 1054 et offre à l’abbaye une relique de St-Cyriaque. 
 
L’abbaye à cette époque est très prospère grâce à ses dépendances. En 1228, l’ensemble est donné à l’évêché de Strasbourg.  
 
Altorf est un village agricole et au XIXème siècle, les cultures du chanvre et du tabac prédominent. De nos jours, plus de chanvre, ni de tabac : un peu de vigne et des cultures maraîchères et fruitières. 
 
Mais la bourgade a su garder cette authenticité rurale et se dévoile un peu à qui sait la découvrir. 
 
Nous garons la voiture sur le parking de la grange dîmière et nous voilà partis ! Nous allons nous servir du circuit concocté par Agathe et Laurent Lacouture et téléchargeable sur le net.  
 
Une grange dîmière (Zehntelschir) avait pour fonction d’entreposer la collecte de la dîme, impôt de l'ancien régime portant principalement sur les revenus agricoles collectés en faveur de l'Église catholique.  
 
Le bâtiment, laissé longtemps à l’abandon, a été rénové en 2000 et abrite de nos jours la bibliothèque. Au XVIIIème siècle, il a perdu un tiers de sa longueur.
Un cadran solaire sur la façade avant nous apprend qu’Altorf se situe à l’est de Greenwich, latitude 48°52, longitude 7°52. Il est 17h à ma montre, sur le cadran 15h30. C’est juste …  
 
Accroché sous le cadran solaire, le blason d’Altorf représente un crampon de piège à loup accroché à un anneau.
Un bruit d’eau derrière la grange dîmière nous intrigue. Il s’agit d’une petite chute sur le Mittelbach qui alimentait jadis le moulin de l’abbaye. Dommage pour Douchka. Pas d’accès au cours d’eau !
Le bâtiment à deux étages qui le jouxte est l’ancien moulin à farine de l’abbaye édifié en 1749. Il a été vendu comme bien national et à présent, c’est propriété privée.
Par un petit chemin courant entre deux murs, nous nous dirigeons vers le porche de l’abbaye autorisé uniquement durant les périodes de fenaison.
Ce dernier, endommagé accidentellement en 1965 par une charrette de foin, a été restauré et rehaussé en 2014.
Nous trouvons un premier lavoir utilisé par les femmes habitant l’est du village, malheureusement occupé par des jeunes. Pas de photo possible sans les déloger ! Mais pas bien grave non plus car il est complètement à l’ombre des arbres. 
En 2021, avec les températures négatives, plus de jeunes mais les arbres sont toujours là !
Un abri de jardin a d’aussi beaux volets en bois que certaines maisons !
Nous aboutissons aux installations de loisirs entourées par une jachère fleurie. C’est l’occasion de faire quelques photos sympas.
Un peu plus loin, un banc en grès des Vosges accueille les promeneurs fatigués. Ces bancs sont appelés « bancs de l’impératrice Eugénie » en l’honneur de l’épouse de Napoléon III.  
On en trouve un peu partout à travers l’Alsace. Ils ont été installés à partir de 1853 aux bords des chemins à la demande des préfets Lezay-Marnézia et West, pour permettre aux paysans et voyageurs de se reposer. Lors des haltes, les paysannes déposaient les fardeaux portés sur leurs têtes sur le linteau supérieur avant de s’asseoir sur la traverse inférieure.
Le paysage change entre le mois de septembre où les champs ont été moissonnés et le mois de février où la neige recouvre le sol et où les rives du Muhlbach sont gelées.
Nous arrivons déjà au lieu-dit « Baignade des chevaux » ( Rossschwamm ). En été, le dimanche matin, les paysans y venaient baigner et brosser les chevaux. Actuellement, c’est un joli miroir d’eau qui est encore plus agréable à voir quand il est gelé ! Facilement accessible aux chiens, il n’est pas question de s’y baigner en ce mois de février.
C’est ici, sur un pylône électrique juste à côté que les cigognes ont élu domicile. Elles sont arrivées !
De l’autre côté du pont, un second lavoir construit sur un bras de la Bruche. Cette dérivation a été réalisée pour éviter les inondations de certains villages aux alentours dont Molsheim.
Le lavoir communal couvert permettait à la plupart des femmes du village de faire leur lessive, généralement le lundi, et cela, jusque dans les années 1970. 
Un escalier central menait au ruisseau pour rincer le linge.  
De part et d'autre, deux tables de lavage sont installées à des degrés différents. Selon le niveau d'eau, les lavandières utilisaient l'une ou l'autre pour frotter le linge, dos au ruisseau.
Nous revenons dans le village. La prochaine étape est une toute petite chapelle construite en 1846 grâce à la générosité et la foi de deux paroissiennes. Ces deux sœurs avaient projeté de céder leurs biens et de faire construire un oratoire public dans le jardin de leur propriété. L’autorisation leur est donnée par Monseigneur Raess, évêque de Strasbourg puis entérinée par Napoléon III. Par contre la demande est rejetée pour leur maison d’habitation qui aurait dû servir d’asile aux pauvres.
En 1898, l’abbé Kister fait rénover la chapelle pour la première fois. Quatre-vingts ans plus tard, elle est à nouveau très dégradée et les offices ne peuvent plus y avoir lieu. Des équipes de bénévoles et des artisans du village se mettent au travail. Un nouvel autel est en grès des Vosges est installé.
Notre plan nous mène au Leimengruben, emplacement d’où l’on extrayait jusqu’en 1789 l’argile nécessaire pour la fabrication des torchis et des tuiles. Ce lieu a été déclaré constructible pour permettre l’agrandissement du village et porte actuellement le nom de rue des meuniers.
Nous passons devant l’ancien corps de garde ( Wachstub ) qui était, jadis, occupé par deux veilleurs de nuit et abritait une prison. Jusqu’en 1900, deux hommes y étaient en faction. Le couvre-feu intervenait à 22h, heure à laquelle les femmes devaient circuler dans la rue avec une lanterne, les mineurs et les personnes âgées n’étaient plus autorisés à sortir de chez eux et les cafés n’avaient plus le droit de servir à boire. 
Le veilleur passait à deux reprises dans les rues pour annoncer l'heure et surveiller les habitations, où toute lumière devait être éteinte.
Nous dépassons l’unique restaurant du village, le Bénédictin, référence à l’abbaye vers laquelle nous revenons, puis la mairie.
Le mur d’enceinte construit en 1732, abrite, dans une niche, une Pietà, mise à jour lors de fouilles des décombres d’une chapelle du couvent.
Derrière ce mur, des immeubles modernes …
L’abbatiale se profile à l’horizon, derrière la statue de Jeanne d’Arc.
A l’arrière de la place Saint-Cyriaque, une maison alsacienne typique du XVIIème siècle a bénéficié d’un ravalement qui semble récent. (2021)
De nombreux décors architecturaux sont à relever : des fenêtres de style renaissance avec des chambranles en bois ornés de motifs floraux et de vignes, sous les fenêtres, doubles croix de St-André qui symbolisent en général une grande descendance pour les habitants de la maison ! Et à gauche des fenêtres, deux chaises curules qui indiquent la demeure d’une personne aisée et influente dans la société. C’est la raison pour laquelle on retrouve la chaise curule dans les maisons des notables des villages.
Le poteau cornier (Eckpfoschte) est orné d’un ange sculpté.
Sur l’une des façades court une galerie en bois.
En face de l’église, une grotte de Lourdes érigée en 1958 à l’initiative d’Eugène Schmitt, curé de la paroisse. C’est le lieu de bénédiction des rameaux et le départ des processions lors des professions de foi et des premiers pardons.
Nous voilà à présent devant la grande abbaye bénédictine entourée de son cimetière et en partie démolie vers 1800. Il ne reste plus que l’église abbatiale Saint-Cyriaque reconstruite à plusieurs reprises et la cure.
La cure occupe les anciens bâtiments conventuels. C’est une longue et curieuse construction de trois étages construite parallèlement à l'église en 1715 par Peter Thumb. On lui confia par la suite aussi la reconstruction du transept et du chœur de l’église, ainsi que la construction de l’église d’Ebermunster.
Le pignon incurvé à volutes est typique de l'architecture Renaissance tardive et du baroque, surtout dans l’Europe du nord. En plus des volutes, on distingue deux grands pilastres et une petite ouverture ronde appelée «pigeonnier».  
Ces mêmes volutes se retrouvent sur le transept de l’église.
L’abbatiale, construite en grès rose, en impose par sa taille mais les décorations restent peu nombreuses. Sous la toiture, une frise de feuillages et de palmes.
Du toit émerge un clocher octogonal en bois couvert d'ardoises-écailles reconstruit après la seconde guerre mondiale.
La façade occidentale s'élève sur deux niveaux. Le premier se compose d'un portail en arc brisé à plusieurs voussures. Le second est percé d'un triplet de baies en plein cintre, surmonté d'une autre baie en plein cintre.
Le tympan roman détruit en 1791 a été remplacé en 1886 par le sculpteur Eugène Dock. Le Christ en majesté dans une mandorle est entouré de Marie et de St-Benoît à gauche, du Pape Léon IX, de Saint-Cyriaque et d’un ange à droite. Moi qui aime les symétries, je m’étonne qu’il y ait deux personnages d’un côté et trois de l’autre !
Les colonnes sont surmontées de chapiteaux relativement épurés reprenant des motifs végétaux.
La porte sud est décorée de ferrures.
Pénétrons à présent dans l’édifice (fermé en 2021). 
 
L’intérieur mêle très harmonieusement styles roman et baroque.  
Architecture romane de la période de transition pour la haute et triple nef (XIIème – XIIIème siècle) et les bas-côtés surbaissés en pierre de taille.
Architecture baroque pour le chœur et le transept en maçonnerie et pierre de taille qui datent de 1725. La voûte est ornée des fresques.
L’orgue fabriquée par Silbermann était prévu pour le couvent franciscain de Sarrebourg avant d’être installée en 1730 à Altorf. 
Il a été transformé une première fois par Joseph Stiehr en 1850, puis par Martin Rickenbach. Une dernière restauration en 1999 le conserve dans la situation du XIXème siècle.
Sur l’un des autels du transept nord, je découvre un reliquaire en bois sculpté représentant le buste de Saint-Cyriaque. La poitrine du saint est recouverte d'écailles de métal. Elle renferme les reliques du saint, un bras. 
La « notitia Altorfensis » prétend qu'il s'agit d'un cadeau du pape Léon IX. Mais le style s'oppose à une datation aussi ancienne. On peut supposer que le reliquaire a été réalisé fin du XIIème siècle puis remanié début du XIIIème par un orfèvre sans doute Lorrain.
Au-dessus, un tableau de1730 représente la mort de Ste-Scolastique, sœur de St-Benoît.
La statue de St-Blaise de1733 orne le second autel.
Dans le transept sud, au-dessus de l’autel de St-Benoît, un tableau de 1730 représente la mort du saint.
La chaire polychrome dans un pur style baroque date du XVIIème siècle. Les pans de la cuve sont galbés et richement décorés de volutes, rinceaux, lambrequins.
Dans des panneaux entourés d’un cordon doré sont sculptés les évangélistes avec leur attribut. Sur la face avant Luc et le taureau, Jean et l’aigle.
Les fonts baptismaux sont de style gothique et côtoient une dalle funéraire de 1509 d’un moine de l’abbaye, le frère Conrad de Gougenheim, cellérier et chantre, mort en 1360. C’était le responsable des finances du monastère et du déroulement des offices religieux.
Un dernier coup d’oeil sur une piéta au regard désespéré.
En ressortant de l’édifice, on peut traverser le cloître qui relie cure et église pour découvrir les jardins. Ils étaient fermés en 2014. C’est donc sous la neige que nous les découvrons, ce qui leur donne d’ailleurs un charme supplémentaire.
Notre regard est immédiatement attiré par un puits qui daterait du début du XVIIème siècle. Mais on lit la date de 1739 sur le linteau qui porte les armoiries martelées d'un abbé, probablement Antoine Gug (1733-1765). En fait, le puits a été déplacé et recreusé en 1739 et les armoiries, sculptées à cette occasion, ont été martelées à la Révolution. 
La cuve est décorée et deux colonnes rondes soutiennent un linteau massif en bâtière. 
Par la suite, le puits, profond de 8 mètres, a été installé sur la place du village et il n’a retrouvé son endroit d’origine qu’en 2004 lorsque le jardin a été réhabilité.
Derrière le puits, on a une jolie perspective sur le jardin dont les différentes parties ne se distinguent pas sur le sol enneigé mais que nous pouvons repérer grâce à un parcours jalonné de panonceaux explicatifs complétés par des informations sur la vie des moines bénédictins qui suivent la règle de St-Benoît : «Ora et labora» ( prie et travaille).
Devant nous l’hortus (le potager) qui permettait aux moines, essentiellement végétariens, de se nourrir,
l’herbularius où ils trouvaient les plantes médicinales pour se soigner et le pomarium (le verger) où il était d’usage de les enterrer. Des pierres tombales émergent de la neige.
Elles ont été déposées ici, à l’ombre des arbres fruitiers, pour suggérer cette tradition.
D’autres témoignages de la vie monastique et religieuse sont exposés dans le jardin assortis à chaque fois d’une petite pancarte explicative. 
Fragment de soldat en grès ( vers 1380) qui appartenait à un saint-sépulcre, un important monument représentant le Christ gisant.
Copie des armoiries de Beda Heldt, curé de 1654 à 1688.
Jardin de Marie
Porte donnant accès aux champs et aux vignes restaurée grâce à l’Association des amis de l’abbaye et du patrimoine historique d’Altorf en 2013
Décor d’arcature qui rappelle celui des devants d’autel, des sarcophages ou des chancels romains. (balustrade qui sépare le chœur de la nef) .
Pierre angulaire provenant d’un moulin de 1562 établi sur le canal de dérivation. Il a été pillé en 1610.
Cette plaque difficilement lisible fait référence à un lieu secret qui se trouvait probablement à l’entrée de l’abbaye ou dans la chambre forte construite en 1663 pour abriter les archives. Cette pièce a été détruite en 1724. Sur cette plaque, l’abbé donne quelques consignes à son successeur.
Trois marches qui vont droit dans le mur m’intriguent … derrière un autre verger et l’on distingue en son milieu une légère dépression.
Les moines de l’abbaye ne mangeaient pas de viande d'animaux quadrupèdes. C'est pourquoi, ils avaient dans leur jardin un étang pour l'élevage de poissons. En 1734, l'étang subit d'importants travaux. On l'élargit et on construit deux viviers en pierre de taille, couverts d'une grille. Un troisième est ajouté cinq ans plus tard. La même année, le jardin qui l'entoure est enclos d'un haut mur, ce qui explique que l’escalier ne mène plus nulle part.
Avant de quitter le jardin, nous jetons un petit coup d’œil au cloître rénové.  
Une frise historique égrène les différentes dates depuis la fondation de l’abbaye jusqu’aux travaux de restauration récents.
Quelques objets en décoration : cloche, gisant et statue en bois de St-Benoît.
Les Amis de l’abbaye vendent du vin pour financer les travaux. Nous repartons avec une bouteille.
Nous voici à notre point de départ … nous venons de découvrir un agréable petit village comme savent l'être nos villages alsaciens.